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Agriculture et maladies des plantes
7 avril 2014

L’aulnaie, tout un royaume à sauver.

aulnaie

Le 04.04.14

D’une luxuriante végétation, les aulnaies sont de merveilleuses forêts. Aujourd’hui, elles sont menacées par les coupes illicites, la pollution et l’extension des terres agricoles. El Watan Week-end revient sur le cycle de la destruction de ce miracle de la nature.

Ceux qui ont eu l’insigne privilège d’y pénétrer garderont à tout jamais cette agréable sensation de fraîcheur que l’on y trouve même aux plus fortes chaleurs de l’été. Et ceux qui ont pris le risque, car on peut y perdre la vie en s’enlisant, d’accéder au cœur de ces forêts -si on peut encore appeler ainsi ce qu’il en reste-, seront émerveillés par la luxuriance de la végétation et le bruissement des rus qui le traversent. L’aulnaie, la forêt de l’aulne, Alnus glutinosa pour les scientifiques, oud lahmer ou el hamraï en arabe algérien à cause de la couleur rosâtre de son bois, est un peu l’équivalent de notre forêt tropicale, si on tient compte de la richesse spécifique des espèces végétales de ce qui constitue ce qui est appelé le cortège floristique. On en a dénombré près de 400, dont une centaine classée comme rare ou endémique.

Lorsque le nord de l’Afrique était plus humide, il y a de cela plus de 10 000 ans, l’aulnaie prenait le relais de la subéraie, la forêt de chêne, dans les dépressions et les vallées partout où il y avait de l’eau en permanence. Aujourd’hui, on en trouve encore dans le nord du Maroc (région du Rif), le nord-est de l’Algérie et dans l’ouest de la Tunisie, mais nulle part elles ne sont aussi étendues dans les complexes de zones humides de Annaba-El Kala et de Guerbès-Senhadja. Elles sont signalées aussi dans la région de Beni Bélaïd, à Jijel et sur les bords de Oued Zhor, à Collo. On les trouve également le long des berges  des cours d’eau en Kabylie, à Seraïdi (Annaba), à Souk Ahras et le long des cours dans toutes les régions d’El Tarf.

Ces vestiges de la forêt humide nord -africaine ne sont plus que des lambeaux de ce qu’ils ont été autrefois. Et depuis vingt ans, ils ont drastiquement reculé et par endroits complètement disparu, essentiellement sous l’effet des coupes illicites et le défrichement pour le bois de construction, l’alimentation du bétail ou l’extension de parcelles agricoles.

Destruction

Les plus précieux bijoux de ce trésor de notre patrimoine naturel, les aulnaies de Om Lagareb, de Righia et de Aïn Khiar dans la wilaya d’El Tarf, les plus étendues par leurs superficies -toutes les trois classées site Ramsar- tentent de résister à la furie des activités humaines en pleine expansion. Il y a trente ans, celles d’Om Lagareb et de Righia totalisaient plus de 1600 ha, il n’en reste plus que 600. Elles ont été progressivement grignotées par l’agriculture au profit de cultures spéculatives, comme les arachides ou les cucurbitacées (pastèque et melon).

Les aulnaies ont été protégées naturellement tant qu’elles étaient inaccessibles aussi bien à l’homme qu’à son bétail. L’eau présente en permanence empêchait toute activité. La sécheresse des années 1970-80, la mécanisation mais surtout l’accaparement des terres et l’exploitation anarchique des ressources hydriques ont enclenché un cycle de destruction toujours à l’œuvre. S’ils dénoncent une dégradation et à terme une perte irrémédiable de ces milieux élevés aujourd’hui au rang de réservoir et de centres de la biodiversité méditerranéenne, les scientifiques sont cependant affirmatifs sur les grandes chances d’une régénération rapide si des mesures sérieuses et durables sont prises. En effet, l’aulne, el hamraï, a tendance à reprendre rapidement du terrain si un minimum de ses besoins en eau est assuré.

 

Djamila Belouahem-Abed. Chercheur à l’INRF : Interdire l’accès et l’exploitation des aulnaies

Comment éviter une dégradation massive des aulnaies ? Des chercheurs algériens tentent de trouver des solutions à travers des études afin de protéger les aulnaies dans la forêt algérienne.

-Quelle est la place des aulnaies dans le patrimoine naturel de l’Algérie ?

Les aulnaies s’étendent sur le vaste éco-complexe humide de la Numidie algérienne (Nord-Est algérien) qui s’étend de la région d’El Kala (Tarf) à celle de Guerbes-Senhadja (Skikda). C’est un point chaud reconnu de biodiversité nommé Kabylie-Numidie-Kroumirie qui est un carrefour biogéographique majeur, car il réunit des éléments méditerranéens, tropicaux et euro- sibériens, ce qui leur confère une importance particulière en terme de conservation de la diversité génétique des espèces considérées. Ce sont des écosystèmes présentant une très grande richesse spécifique avec plus de 400 espèces, dont 25% d’espèces rares et espèces endémiques. Ce qui leur confère un intérêt patrimonial indéniable.

-Quelle est leur place dans la forêt algérienne et dans le Maghreb ?

On estime à 2500 ha l’étendue de l’ensemble des aulnaies en Algérie. Cette valeur est approximative, car à notre connaissance, et il faut le déplorer, aucune étude approfondie forestière ou universitaire n’a tenté d’établir un état de la situation. En dépit de leur importance pour la conservation de la biodiversité, elles n’ont été que très peu étudiées et le peu d’intérêt qu’elles suscitent est lié à celle des oiseaux d’eau qu’elles abritent.

-Dans quel état se trouvent-elles aujourd’hui ?

Nos travaux ont montré que toutes les aulnaies prospectées sont dégradées. Elles subissent des défrichements illicites, des incendies volontaires, des pollutions d’origine diverses et des assèchements consécutifs aux pompages excessifs réalisés dans les nappes phréatiques et les cours d’eau dont elles dépendent étroitement. De ce fait et sans bénéficier de mesures spéciales de conservation, leur statut est extrêmement précaire et leur déclin rapide sous l’influence de ces perturbations anthropiques et des changements climatiques avec la diminution de la pluviométrie et l’augmentation de la température. Ces écosystèmes particuliers du bassin méditerranéen doivent rapidement faire l’objet de mesures de protection pour garantir la pérennité des cortèges floristiques exceptionnels qui les constituent, véritable réservoir de biodiversité. Leur protection nécessite de gérer les problèmes immédiats et d’enrayer, à court terme, leur régression en les plaçant sous le statut de Réserve intégrale qui y interdit l’accès et à plus forte raison l’exploitation de ses ressources hydriques et végétales.

Slim Sadki

Source : http://www.elwatan.com/hebdo/environnement/l-aulnaie-tout-un-royaume-a-sauver-04-04-2014-251846_158.php

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