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Agriculture et maladies des plantes
27 avril 2015

La pomme de terre : Histoire et propagation.

PLANTATION_DES_POMMES_DE_TERRES

La plante

La pomme de terre (Solanum tuberosum) est une plante vivace herbacée qui peut atteindre 1 mètre et produit un tubercule, la pomme de terre elle-même, qui, en raison de sa richesse en amidon, figure au quatrième rang des principales cultures vivrières, après le maïs, le blé et le riz. La pomme de terre appartient à la famille des Solanacées, qui sont des plantes à fleurs, et partage le genre Solanum avec au moins 1 000 autres espèces, entre autres la tomate et l'aubergine. Solanum tuberosum est divisée en deux sous-espèces qui présentent de légères différences: andigena, adaptée aux jours courts et cultivée surtout dans les Andes, et tuberosum, cultivée aujourd'hui dans le monde entier et qui provient probablement d'une petite introduction en Europe d'andigena qui se sont ensuite adaptées à des durées de jour plus longues.

Le tubercule

Durant la croissance de la plante, les feuilles composées fabriquent de l'amidon qui parvient aux extrémités des tiges souterraines (ou stolons). Les tiges s'épaississent et forment des tubercules, 20 au maximum, près de la surface du sol. Le nombre de tubercules qui arrivent à maturité dépend de l'humidité du sol et de sa teneur en éléments nutritifs. Les tubercules sont de forme et de calibre variables et leur poids moyen ne dépasse pas 300 g.

Au terme de la période de croissance, les feuilles et les tiges tombent, et les nouveaux tubercules se détachent du rhizome. Les tubercules constituent alors une réserve d'éléments nutritifs qui permet à la plante de survivre au froid, de repousser et de se reproduire; chaque tubercule possède de deux à dix bourgeons ou « yeux » disposés de façon hélicoïdale. Ces bourgeons se transforment en germes qui donneront à leur tour une nouvelle plante si les conditions sont favorables.

Héritage des Andes

L'histoire de la pomme de terre a débuté il y a environ 8 000 ans près du lac Titicaca, à 3 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans la cordillère des Andes, à la frontière entre la Bolivie et le Pérou. Des recherches ont révélé que des communautés de chasseurs et de cueilleurs arrivés dans le sud du continent américain depuis au moins 7 000 ans avaient commencé à domestiquer des espèces sauvages de pommes de terre qui poussaient en abondance autour du lac.

Quelque 200 espèces sauvages de pommes de terre ont été répertoriées sur le continent américain. Mais c'est dans la cordillère centrale des Andes que les agriculteurs sont parvenus à sélectionner et à améliorer les premiers spécimens de ce qui allait donner, au fil des millénaires, une diversité inouïe de tubercules. La pomme de terre que nous connaissons, l'espèce Solanum tuberosum, ne contient en réalité qu'une infime partie de la diversité génétique contenue dans les sept espèces reconnues et dans les 5 000 variétés de pommes de terre qui sont encore de nos jours cultivées dans les Andes.

Les agriculteurs des Andes cultivaient un grand nombre de cultures vivrières, notamment des tomates, des haricots et du maïs, mais leurs variétés de pommes de terre se sont particulièrement bien adaptées à la région de la « vallée quechua », à 3 100-3 500 mètres d'altitude, sur les flancs de la Cordillère centrale (les peuples andins considéraient la région quechua comme la « région civilisée »). Ils ont aussi mis au point des variétés résistantes au gel qui survivent sur la steppe d'altitude (puna), à 4 300 mètres d'altitude.

La sécurité alimentaire assurée par le maïs et la pomme de terre, renforcée par le développement de l'irrigation et de la culture en terrasses, a permis l'émergence de l'empire Huari, autour du Ve siècle, dans le bassin d'Ayacucho. À peu près à la même époque, la cité-État de Tiahuanaco fut érigée près du lac Titicaca; un système de cultures en terrasses, des levées de terre bordées de canaux, permettait de produire 10 tonnes/hectare de pommes de terre. À l'apogée de cette civilisation, vers l'an 800 de notre ère, 500 000 personnes ou plus vivaient à Tiahuanaco et dans les vallées environnantes.

Croissance fulgurante. À la chute de l'empire Huari et de Tiahuanaco, entre 1000 et 1200, succéda une période d'agitation à laquelle mit fin l'émergence de l'empire inca dans la vallée de Cuzco, autour de 1400. En moins d'un siècle, les Incas créèrent l'empire le plus vaste de l'Amérique précolombienne, qui s'étendait de l'Argentine à la Colombie actuelles.

Les Incas adoptèrent et améliorèrent les techniques agricoles des civilisations andines, accordant la primauté à la culture du maïs. La pomme de terre était pourtant fondamentale pour la sécurité alimentaire de l'empire: elle occupait une place de choix dans le vaste réseau d'entrepôts - en particulier le chuño, tubercule déshydraté par exposition au gel et au soleil - et permettait non seulement de nourrir fonctionnaires, soldats et esclaves mais servait aussi de réserve en cas de mauvaise récolte.

Les conquistadors ont précipité la chute de l'empire inca, mais la pomme de terre a résisté. Car, tout au long de l'histoire des civilisations andines, elle est restée, sous toutes ses formes, la denrée du peuple et était au centre de leur cosmogonie (par exemple, on mesurait le temps au temps nécessaire pour cuire les pommes de terre).

Dans certaines régions des Andes, les agriculteurs mesurent encore les terres en topo, qui est la superficie nécessaire à une famille pour couvrir ses besoins en pommes de terre. Le topo est plus étendu en altitude, car la période de jachère des parcelles est plus longue. Les agriculteurs classent les pommes de terre par espèces et par variétés mais aussi par niches écologiques qui donnent les tubercules les plus gros, et il est courant de voir sur une même parcelle quatre ou cinq espèces cultivées.

La culture des tubercules est encore de nos jours une des principales activités de la saison agricole près du lac Titicaca, où la pomme de terre est dénommée Mama Jatha, ou mère de la croissance. La pomme de terre demeure la semence emblématique de la civilisation andine.

Propagation

La propagation de la culture de la pomme de terre, originaire des Andes, dans le reste du monde est certes une belle aventure, mais elle a commencé par une tragédie. La conquête du Pérou par les conquistadors espagnols, de 1532 à 1572, a détruit la civilisation inca et provoqué la mort - à cause de la guerre, des épidémies et du désespoir - d'au moins la moitié de la population.

Les conquistadors étaient venus chercher de l'or, mais le véritable trésor qu'ils ont rapporté en Europe c'est Solanum tuberosum. La première trace de la culture de la pomme de terre en Europe date de 1565, dans les îles Canaries. En 1573, elle est attestée en Espagne. Peu de temps après, les tubercules voyagent à travers l'Europe sous forme de présents exotiques: le roi d'Espagne en envoie au pape à Rome, qui en offre à l'ambassadeur auprès du Saint-Siège à Mons, et ce dernier à un botaniste à Vienne. Les pommes de terre, qui étaient déjà cultivées à Londres en 1597, gagnèrent la France et les Pays-Bas peu de temps après.

Mais une fois que Solanum tuberosum eut droit de cité dans les jardins botaniques, elle suscita moins d'intérêt. Si l'aristocratie européenne trouvait ses fleurs admirables, elle jugeait les tubercules tout juste bons pour les cochons et les indigents. Les paysans superstitieux les tenaient pour vénéneux. Mais l'« ère des découvertes » avait commencé en Europe, et les marins furent parmi les premiers à apprécier la pomme de terre, qu'ils emportèrent pour se nourrir en mer. C'est grâce à eux qu'elle parvint en Inde, en Chine et au Japon au début du XVIIème siècle.

La pomme de terre fut particulièrement bien accueillie en Irlande, la fraîcheur du climat et les sols humides se révélant propices à sa culture. Lorsqu'ils émigrèrent aux États-Unis au début du XVIIIème siècle, les Irlandais apportèrent le tubercule, qui fut dénommé « pomme de terre irlandaise ».

Longs jours d'été. La propagation de la pomme de terre en tant que culture vivrière dans l'hémisphère Nord fut retardée par le poids des habitudes alimentaires mais aussi parce que qu'elle relevait du défi: comment une plante cultivée depuis des millénaires dans les Andes pouvait-elle s'adapter à un climat tempéré? Une infime partie seulement de son riche réservoir de gènes avait quitté l'Amérique du Sud et il fallut attendre 150 ans pour qu'apparaissent des variétés adaptées aux longs jours d'été.

Ces variétés firent irruption à un moment critique. Dans les années 1770, la majeure partie de l'Europe continentale étant dévastée par la famine, l'importance de la pomme de terre pour la sécurité alimentaire devint une évidence. Le roi de Prusse, Frédéric le Grand, ordonna à ses sujets de s'adonner à sa culture pour compenser les mauvaises récoltes de céréales, tandis que le scientifique français Parmentier parvenait à prouver qu'elle était « comestible ». (A peu près à la même époque, de l'autre côté de l'Atlantique, le président nord-américain Thomas Jefferson faisait découvrir les frites à ses invités à la Maison-Blanche.)

Après quelque hésitation, les agriculteurs d'Europe, y compris en Russie, où la pomme de terre était affublée du nom de « pomme du diable », commencèrent à la cultiver à grande échelle. Après avoir constitué la réserve alimentaire de l'Europe durant les guerres napoléoniennes, en 1815 la pomme de terre était devenue une culture de base dans le nord de l'Europe. A la même époque, au Royaume-Uni, la révolution industrielle transformait la société rurale, poussant des millions de paysans à venir grossir la population des villes. Dans les nouveaux centres urbains, la pomme de terre devint le premier aliment moderne facile à utiliser: énergétique, nourrissante, facile à cultiver sur de petites parcelles, bon marché et facile à cuisiner à peu de frais.

L'augmentation de la consommation de pommes de terre au XIXème siècle aurait contribué au recul du scorbut et de la rougeole, à l'accroissement du taux de natalité et à l'explosion démographique en Europe, aux États-Unis et dans l'Empire britannique.

Grande famine en Irlande. Mais le succès de la pomme de terre s'avéra une arme à double tranchant. Car les clones de tubercules cultivés en Amérique du Nord et en Europe appartiennent à un petit nombre de variétés similaires du point de vue génétique. C'est pourquoi ils étaient extrêmement vulnérables: si un ravageur ou une maladie s'attaquait à une plante, il pouvait se propager rapidement aux autres.

Le premier signe de l'imminence d'un désastre apparut en 1844-1845, quand une maladie due à une moisissure, le mildiou de la pomme de terre, dévasta les champs de pommes de terre d'Europe continentale, de la Belgique à la Russie. Mais le pays le plus affecté fut l'Irlande, où la pomme de terre représentait plus de 80 pour cent de la ration énergétique. Entre 1845 et 1848, le mildiou de la pomme de terre ravagea trois récoltes, provoquant une famine qui causa la mort d'un million de personnes.

Cette catastrophe aboutit à des efforts concertés pour mettre au point des variétés plus productives et résistantes aux maladies. A partir d'un nouveau matériel génétique provenant du Chili, les sélectionneurs européens et nord-américains ont développé de nombreuses variétés qui ont permis la production massive de pommes de terre de part et d'autre de l'Atlantique au XXème siècle.

L'expansion coloniale des pays d'Europe et l'émigration contribuèrent à propager la culture de la pomme de terre dans le monde entier. Gouverneurs des colonies, missionnaires et colons l'introduisirent dans les plaines alluviales du Bengale, du delta du Nil, en Égypte, dans le massif de l'Atlas, au Maroc, et sur le plateau de Jos, au Nigeria. Les émigrants agriculteurs ont apporté la pomme de terre en Australie et même en Amérique du Sud, introduisant sa culture en Argentine et au Brésil.

Sur le continent asiatique, la pomme de terre a emprunté d'anciennes routes, passant du Caucase au plateau d'Anatolie, en Turquie, puis de la Russie à la Chine occidentale, gagnant enfin la péninsule coréenne. Dans les vallées du Tadjikistan, certaines variétés sont cultivées depuis si longtemps qu'elles sont considérées comme d'« anciennes variétés locales ».

Au cours du XXème siècle, la pomme de terre est devenue le produit alimentaire mondial par excellence. La production de l'Union soviétique a atteint 100 millions de tonnes. Dans l'après-guerre, l'Allemagne et la Grande-Bretagne lui consacrèrent de vastes superficies de terres cultivables, et Bélarus et la Pologne produisaient - c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui - plus de pommes de terre que de céréales.

La pomme de terre est devenue la reine des snacks. L'invention, en 1920, d'une machine à éplucher a contribué à faire des chips le snack le plus vendu aux États-Unis. Une chaîne de restaurants fondée par les frères McDonald en 1957 à dépensé des millions de dollars pour « perfectionner les frites à la française ». Quant à la société canadienne McCain, qui a lancé les frites surgelées en 1957, après avoir créé 55 sites de production aux quatre coins du globe, elle produit aujourd'hui un tiers des frites consommées dans le monde.

Explosion de la demande. Dans les années 1960, la culture de la pomme de terre a commencé à s'étendre aux pays en développement. L'Inde et la Chine, qui produisaient à elles deux 16 millions de tonnes en 1960, totalisent presque 100 millions de tonnes en 2006. Au Bangladesh, la pomme de terre est devenue une culture commerciale d'hiver rentable, et les producteurs du Sud-Est asiatique ont su profiter de l'explosion de la demande de l'industrie agroalimentaire. En Afrique subsaharienne, la pomme de terre est très prisée des consommateurs dans les zones urbaines et c'est une culture importante pour les agriculteurs des régions montagneuses du Cameroun, du Kenya, du Malawi et du Rwanda.

Si la pomme de terre a un passé riche, son avenir est prometteur. Bien que la production décline en Europe, qui fut sa « deuxième patrie » des siècles durant, son potentiel de croissance dans les pays en développement est élevé car la consommation représente moins du quart de celle des pays développés.

Aujourd'hui, au Lesotho, pays montagneux, nombre d'agriculteurs remplacent la culture du maïs par celle de la pomme de terre; un projet de la Fao les aide à produire des plants exempts de virus. En Chine, des experts préconisent que la pomme de terre devienne la principale culture vivrière sur 60 pour cent de la superficie agricole et estiment que les rendements peuvent faire un bond spectaculaire de 30 pour cent.

Dans les Andes, où tout a commencé, le Gouvernement péruvien a créé en juillet 2008 un registre national des variétés indigènes de pomme de terre, afin de préserver le riche héritage de la pomme de terre du pays. Cette diversité génétique, qui permettra de créer de nouvelles variétés adaptées à l'évolution des besoins mondiaux, contribuera à l'écriture des futurs chapitres de l'histoire de Solanum tuberosum.

Source : http://www.potato2008.org/fr/pommedeterre/index.html

 

 

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